« Les fous d’aujourd’hui façonnent la vision des hommes de demain. » Oscar Wilde
La peinture, comme les autres arts, est aussi un moyen de découverte des mondes qui gravitent en nous et autour de nous, et la mise en circulation d’une oeuvre d’art est un signal de reconnaissance destiné à réunir dans une même communion des individus ayant une culture et une sensibilité identiques.
La destination de l’oeuvre d’art est donc de permettre à l’humanité moyenne d’entrer en relation avec l’essence cachée des êtres et des choses. Toute oeuvre d’art gagne à être présentée au milieu des objets qui embellissent la vie de l’homme.
Leur accumulation dans les musées est un non-sens et leur exhibition multipliée ressemble à un blasphème, car le rire stupide des foules sanctionne toujours la révélation de l’Art, comme il a sanctionné jadis la révélation de l’Homme et du Dieu. Georges Rouault a exprimé cela en disant : « L’oeuvre d’art est une confession autrement touchante qu’on ne saura dire. »
Il est vain, a priori, de vouloir tirer un profit matériel d’ouvrages tout spirituels qui portent leur récompense en eux-mêmes, et ouvrent l’abîme de la solitude où il faut nécessairement se retrouver sous peine de mort.
C’est à ce prix seulement que la beauté se montre et que la vie redevient autre chose qu’un mot à dictionnaire, sans couleur, sans chaleur et sans souffle.
Il faut vendre pour vivre, mais cela ne doit jamais être le but de la création artistique. La vente intervient afin de permettre à l’artiste de persévérer seulement, et celui qui parvient ainsi à manger, à se loger, à se chauffer et à s’habiller, doit se considérer comme privilégié parmi tous les autres hommes car il est le seul à vivre d’un travail qui n’est pas une malédiction. Seul à vivre comme le saint, de la prière et de la louange pures, ce qui est accordé à bien peu d’individus dans ce monde.
L’artiste est seul à accomplir une fonction gratuite, donc divine, seul à pratiquer l’union avec la création ambiante, seul à rechercher l’amour et la paix, seul à connaître l’harmonie des mondes, terreur parfaite et parfait bonheur.
« J’ai éprouvé les systèmes, tous les systèmes de la raison. Maintenant, tout ce que je cherche, c’est un champ où la folie puisse errer à son aise. » Jelal-ed-din-Roumi
Destination, chapitre extrait de Louis Cattiaux, Physique et Métaphysique de la peinture, Bruxelles, 1991