Notre époque est celle où les enfants défèquent comme des vieillards, où les enfants sont des fakes, des Aliens étrangers à la magie du jeu. Le jeu est l’organe de la profanation mais la merde est-elle profanable ?
Greta Thunberg n’aura jamais vécu ce temps de l’enfance où se découvre spontanément l’usage commun du caca, temps libre où « tout ce qui tombe du ciel est béni » car le caca est par excellence la matière soumise à la force gravitationnelle.
Les œuvres de Cédric Fargues proviennent de l’enfance de l’art, de la pratique d’un jeu perpétuel, comme nous le donne à entendre ce jeu de mots duchampien : « Ils sont extra tes restes ». Alien Caca dénonce la pensée simulacre de l’enfance, celle qui brosse l’opinion dans le sens des poils, la pensée « Bisounours ». Penser à contre sens des poils, c’est se faire « complotiste ».
Aucune merde, même en apesanteur, ne pourra jamais transcender sa propre matière : une merde reste éternellement une merde. « Ceci n’est pas une merde » est un énoncé impensable pour l’art contemporain car il est impossible de verbifier le caca : la merde n’est pas un signe, elle n’a pas de valeur d’échange, ce n’est pas une marchandise.
Tout porte donc à croire que les fèces sont des espèces sans substance, inassimilables à toute transsubstantiation marchande. C’est pourquoi l’acte de la défécation reste isolé et caché dans la Société du Spectacle où les fesses s’exhibent. Tout un dispositif d’interdictions comportementales et langagières nous dérobe la vue du faire caca. En l’exposant, Cédric Fargues nous dévoile la dimension religieuse de la merde : le caca n’a pas de valeur d’usage ni d’échange mais il a une valeur d’exposition et cette valeur d’exposition désigne la merde comme le dieu caché de la Société du Spectacle.
Il faut mettre Alien Caca de Cédric Fargues dans la lumière de la célèbre scène de défécation que Buñuel nous donne à voir dans Le fantôme de la liberté : une profanation parodique et ludique de la merde, ce Dieu des mouches qui est celui des marchands.
Alain Santacreu, le 25 août 2019
Cédric Fargues vit à Figeac (France), où il est né en 1988. Il a récemment présenté une exposition personnelle (œuvres récentes) chez Sympa à Figeac, et participé aux expositions de groupe suivantes : Paradise (Queer Thoughts, New York), Yummy Yummy (Flatland Gallery, Amsterdam), Altercacion (Tokio Galeria, Madrid).
Au bout du rouleau, technique mixte sur panneau, 60 x 60 cm, 2019 :
Ceci est une merde, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Sans titre, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Nique ta mère, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Ceci est une merde, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Lampe à merde, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019
Ils sont extra tes restes !, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Alien Caca, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Bisounours, technique mixte sur panneau, 80 x 60 cm, 2019 :
Caca Thunberg, technique mixte, 2019 :